Interview de Michel PROSPERI, ancien proviseur de Lycée hôtelier de Nice

 

A l’occasion du lancement du blog toquetconvives.com, Michel Prospéri, ancien proviseur du lycée hôtelier de Nice, nous fait part de quelques souvenirs de ses réflexions sur la profession et sur l’avenir de l’hôtellerie.

 

CR : Vous avez été proviseur du lycée hôtelier de Talence de 1986 à 1994 puis de Nice de 1994 à 2008 est ce exact ?

 

MP : Oui

 

CR : Vous avez toujours voulu tirer les élèves par le haut en leur donnant la possibilité d’effectuer leurs stages dans les plus prestigieux établissements. Comment avez-vous tissés les liens permettant ces placements ?

 

MP : Beaucoup en tissant des liens avec la profession, avec des rapprochements avec les grands chefs (Ducasse, Robuchon, Garcia,) avec les grands groupes hôteliers (Accor, Intercontinental, Groupe du Louvre) et en développant des partenariats avec l’étranger (USA, Chine, Japon, Espagne, Italie, Allemagne, Angleterre, Thaïlande…,).

 

La participation des 2 lycées à des associations internationales (EUHOFA, AMFORHT) a aussi permis  de réaliser des échanges avec des Écoles Hôtelières (Québec, Montréal, Chicago, Pékin, Sapporo, Bristol Turin, Valencia,  Sénigalia – Italie- mais aussi en créant, à mon initiative, l’AFLYHT – Association Française des Lycées d’Hôtellerie et de Tourisme dont je fus le Président créateur en 1993 .

 

La participation des élèves aux concours organisés par l’Éducation Nationale (Concours Général), par les professionnels (CEDUS, Ruinart …) et les associations est primordiale pour la renommée d’un lycée.

 

L’organisation des stages en France et à l’étranger permet aussi un rayonnement du lycée avec un suivi des stagiaires qui implique une visite auprès des maitres de stages (en France et à l’étranger) qui a lieu pendant les mois de congés de la Direction du Lycée et des enseignants.

 

La mise en place de parrainage prestigieux (Comte de Lur Saluce pour Yquem, Cheval Blanc ….) groupe Accor, Les Frères Blanc, le départ des parrainages à Talence avec Mme Micheline Chaban Delmas, à Nice avec Jacques Faizant, Michel Rostan- chef 3 étoiles (anciens élèves de Nice) .

 

L’engagement des responsables est essentiel et c’est avant tout pour développer des liens avec ce qui a été énoncé précédemment une implication personnelle de tous les instants.

 

Vie privée et vie professionnelle sont alors très imbriquées car les relations humaines deviennent des amis, ce fut le cas très souvent.

 

CR : Avez-vous quelques souvenirs d’élèves qui sont devenus aujourd’hui des personnages incontournables dans l’hôtellerie ?

 

MP : De nombreux élèves sont devenues des personnalités dans le monde de l’hôtellerie et occupent des postes de General Manager à Tokyo, Doha, Londres, San Francisco, Los Angeles…. plusieurs Relais et Châteaux, soit au sein d’un hôtel de groupe soit au sein d’une région dans le monde soit leur propre hôtel.

 

D’autres, et ils sont très nombreux, ont ouvert leur propre restaurant, voire plusieurs restaurants, ont obtenu des étoiles, la liste serait trop longue. Je découvre régulièrement des anciens élèves au cours de mes déplacements. Les derniers, en Thaïlande où l’un est chef et l’autre occupe un poste important dans la conception et réalisation d’hôtels.

 

L’enseignement hôtelier de par un enseignement très éclectique (matières enseignées, langue, stage, …) est un « formatage » à la vie professionnelle très exigeante et un véritable ascenseur social.

 

Un exemple de rayonnement de l’enseignement lorsque j’étais encore à Talence en 1992. A l’époque il y avait une vingtaine de lycées hôteliers comme celui de Talence. Les Proviseurs ont été sollicité par la société chargée des repas pour les JO de Barcelone. Les réponses de mes collègues furent variées et j’ai accepté de prendre la direction de cette opération pour participer à la restauration soit au maximum 48 000 repas par jour (ouverture de 23 heures du self). 33 lycées ont participé, avec environ 80 professeurs et encadrants et 1000 élèves. Ce fut une belle opération, les élèves et l’ensemble du personnel furent ravis.

 

CR : Vous avez cessé votre activité de proviseur en 2008 mais ce n’est pas pour cela que vous êtes inactif puisque vous êtes toujours en contact avec le milieu hôtelier par le biais d’une association que vous avez créée. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

 

MP : Je suis resté en relation avec beaucoup de personnes rencontrées au cours de ma vie professionnelle et en particulier avec une famille au Japon qui habite près de Sapporo sur l’Ile de Hokkaido dont le père est Président d’un groupe d’enseignement Hokuto Bunka Academy. Je les ai aidés à mettre en place un partenariat avec L’Institut Paul Bocuse de Lyon avec qui j’avais conservé des liens. De même avec un ancien élève à Bangkok pour un partenariat avec l’École Ducasse.

 

Je viens de créer aussi l’association « Alliance Mondiale de la Gastronomie Nice Côte d’Azur » dont les présidents d’honneur sont Mauro Colagréco (chef 3 étoiles dont le restaurant à Menton a été élu meilleur restaurant du monde en 2019) et Guillaume Gomez Meilleur ouvrier de France, ancien chef de l’Élysée, représentant personnel du Président de la République pour la Gastronomie. Le but dans un premier temps est de promouvoir la gastronomie au plan local, national et international (parmi le conseil d’administration il y a des représentant de tous les continents) et d’organiser, si possible en 2022, les assises mondiales de la gastronomie à Nice.

 

CR : Pouvez-vous nous parler de gastronomie, notre art de vivre à la française, et comment voyez-vous l’avenir de la restauration hôtelière après la crise que nous sommes en train de traverser ?

 

MP : La gastronomie traverse très certainement une crise, peut-être d’identité (?) elle devra faire preuve d’innovation dans la conception de sa cuisine, de son mode d’accueil…  Ce sera un des thèmes qui seront débattus au cours des assises de 2022.

 

L’autre crise est une crise de recrutement qui n’est pas nouvelle. En 2008, j’avais rédigé un rapport pour Luc Chatel, Secrétaire d’État au Tourisme sur « La pénurie de Main d’œuvre dans l’hôtellerie restauration » qui reste valable…. Ou presque, compte tenu de la situation actuelle.

 

Ce rapport est passé directement aux oubliettes…. Luc Chatel ayant été nommé Ministre de L’Éducation Nationale le jour où il a été remis !!!!!!

 

CR : Finalement, l’hôtellerie et la restauration ont pour point commun l’hospitalité, l’accueil et le service des clients, quelle serait votre définition d’une hospitalité d’excellence ?

 

MP : Pour moi c’est d’abord l’accueil dans un environnement magique, un service discret qui sait se faire oublier et un repas prestigieux, «un tout » !

 

CR : Avez-vous en mémoire un exemple à nous donner ?

 

MP : Beaucoup, oui …. Le dernier, en septembre 2020 aux Gorges de Pennafore à Callas dans le Var, tout était parfait. Je cite car c’est un hommage que je rends au Chef Philippe Da Silva qui vient de nous quitter atteint par le Covid… c’était un très grand Monsieur.